A l’occasion de l’Assemblée Générale de LUPUS FRANCE en septembre 2014, le Professeur Costedoat a donné une conférence reprenant tout ce qu’il faut savoir quand on a lupus et qu’on souhaite être enceinte. Vous trouverez le texte en cliquant ici
Durant le congrès européen du lupus, qui s’est tenu du 23 au 26 avril 2014 à Athènes, nous avons eu la chance de pouvoir interviewer une des oratrices, Monika Ostensen, consultante pour le Centre « Grossesse et maladies rhumatismales » à l’Hôpital universitaire de Trondheim (Norvège) et consultante pour l’Unité des grossesses à haut risque, département de Rhumatologie à l’Hôpital de Sörlandet à Kristiansand (Norvège).
BVL : D’après vous, quelle est la principale nouveauté pour les personnes atteintes de lupus ?
M.O. : Le plus important, c’est que les médecins ont maintenant développé des traitements standards pour soigner le lupus. De nouveaux médicaments sont en préparation et des stratégies ont été développées pour pouvoir soigner les patients encore plus efficacement.
BVL : Que faut-il dire en priorité aux jeunes femmes qui souhaitent être enceintes ?
M.O . : Elles doivent être bien conscientes que la grossesse doit être planifiée à l’avance. Le lupus devrait être en rémission ou en faible activité stabilisée avant d’être enceinte. Il est en effet préférable de planifier la grossesse quand le lupus est inactif et d’être sûre que les médicaments pris sont autorisés durant la grossesse.
Parfois, quand la patiente a moins de 18 ans, atteint la quarantaine ou si elle est invalide, les docteurs ne pensent pas à parler des questions liées à la grossesse. Et donc, si le médecin ne parle pas spontanément avec ses patientes des précautions à prendre en matière de planning familal, les patientes elles-mêmes devraient interroger le médecin. Par exemple, si elles prennent du MMF (le Cellcept®) ou de la Cyclophosphamide, il faut qu’elles parlent contraception avec le spécialiste, même si elles n’ont pas l’intention d’être enceintes dans les mois qui suivent. Les choses peuvent changer rapidement !
B.V.L. : Vous parlez de « spécialiste ». Vaut-il mieux interroger l’interniste/rhumatologue qui suit le lupus, le gynécologue ou la sage-femme ?
M.O. : Il vaut mieux ne pas interroger des médecins ou des professionnels de la santé qui n’ont pas l’expérience des questions concernant la grossesse chez les patientes lupiques ! Les gynécologues et les sages-femmes ont des connaissances approfondies par rapport à la grossesse et l’accouchement, mais ils ne sont pas des experts en matière de lupus et des traitements du lupus. C’est pourquoi, si un gynécologue dit par exemple à une femme d’arrêter le Plaquenil®, il est préférable de demander l’avis du spécialiste qui soigne le lupus, avant d’arrêter le traitement. En effet, il ne faudrait jamais arrêter le Plaquenil® avant ou durant la grossesse, parce que le Plaquenil® prévient les rechutes et a de nombreux effets bénéfiques. Une bonne communication entre le spécialiste du lupus et l’obstétricien est donc nécessaire pour éviter des conseils contradictoires.
B.V.L. : Il n’empêche, la plupart, du temps, les femmes enceintes se posent beaucoup de questions sur les médicaments. Si elles nouent une relation de confiance avec leur gynécologue et que celui-ci leur dit d’arrêter les médicaments, elles seront tentées de les arrêter… Et si en plus, toutes leurs amies leur disent d’arrêter, c’est difficile de continuer à les prendre !
M.O. : Comme je l’ai dit, une patiente doit s’appuyer sur les conseils de ceux qui connaissent réellement le lupus, parce que les personnes qui ne le connaissent pas, n’ont aucune preuve de ce qu’ils avancent. Les patientes doivent savoir qu’elles font courir un plus grand risque à leur bébé en ayant une poussée de lupus ou un lupus actif qu’en prenant des médicaments. Il est prouvé qu’arrêter le Plaquenil® augmente le risque de faire une rechute, or les rechutes sont dangereuses, et pour les mamans et pour les fœtus. Il est donc nécessaire de continuer les antimalariques (Plaquenil®) ou l’azathioprine, par exemple. En ce qui concerne les corticostéroïdes, ils sont nécessaires pour des poussées aigües, en particulier en cas de grossesse. Ce n’est pas évident de soigner un lupus sans en prescrire. En dessous de 10mg par jour, les corticostéroÏdes ne sont pas un problème pour l’enfant. Mais, oui, parfois, les femmes sont si effrayées de faire mal à leur bébé qu’elles arrêtent tous les médicaments avant ou durant la grossesse. Cependant, cela peut conduire à une poussée et cela augmente fortement le risque d’issues défavorables pour la grossesse, comme des fausses-couches, des décès in utero ou des accouchements prématurés.
B.V.L. : Quels sont les risques réels d’une grossesse chez les patientes lupiques ?
M.O. : En fait, 25% des grossesses se déroulent tout à fait normalement. 50% ont quelques symptômes, légers ou modérés, souvent faciles à traiter. 25% ont des poussées sévères dans des organes internes, poussées qui peuvent nécessiter des traitements avec plusieurs médicaments combinés.
B.V.L. : Qu’en est-il des biologiques durant la grossesse ?
M.O. : La règle générale, c’est que les nouveaux médicaments (c’est le cas de la plupart des biologiques) ne sont pas recommandés durant la grossesse. Du coup, nous avons seulement des données provenant d’études animales. Certains biologiques (le Belimumab, par exemple) n’ont pas d’effets secondaires sérieux sur les fœtus d’animaux, mais nous ne pouvons pas en déduire qu’ils seront sans danger pour les femmes enceintes. Il semble que les effets secondaires des médicaments sont moins courants dans les premiers mois de la grossesse que dans les trois derniers mois (parce que les échanges entre mère et enfant sont moindres en début de grossesse), mais en fait, pour le moment, nous n’avons pas de données suffisantes.
B.V.L. : S’il n’y aura jamais d’études sur les mères enceintes, cela signifie-t-il que les biologiques ne pourront jamais être prescrits aux femmes enceintes ?
M.O. : Nous aurons de toutes façons des données concernant les biologiques et la grossesse, à cause des grossesses non planifiées. En fait, même si on dit à une femme de ne pas tomber enceinte durant le traitement, cela ne signifie pas qu’aucune femme ne va tomber enceinte : soit en dépit du risque, soit par « accident », certaines femmes vont être enceintes durant un traitement par biologique et mener la grossesse à terme. Cela veut dire que dans quelques années, nous aurons des données concernant les biologiques et la grossesse.
B.V.L. : Un mot de conclusion ?
Une grossesse chez une patiente lupique reste une grossesse à haut risque qui nécessite des soins particuliers. Bien sûr, si vous avez seulement un lupus cutané ou un lupus inactif, vous avez bien moins de risques que si vous avez un lupus systémique qui est actif. Mais, dans tous les cas, vous devez être soigneusement suivie par votre docteur pour pouvoir réagir dès que possible, si quelque chose se passe durant la grossesse. La chose principale est de planifier la grossesse et d’avoir une bonne communication avec le docteur qui traite la maladie durant la grossesse.
« Est-ce raisonnable d’être enceinte ? » Il y a encore 20 ans, quand une patiente posait cette question à son gynécologue, elle ressortait souvent catastrophée de la consultation. Actuellement, les connaissances ont progressé et même si les futures mamans qui ont un lupus doivent bénéficier d’une surveillance attentive, dans la majorité des cas, tout se passe bien. Voici un résumé de la conférence du Professeur Frédéric Houssiau, rhumatologue aux Cliniques Universitaires Saint-Luc, qui intervenait dans le cadre de la 5me journée des affections rhumatismales inflammatoires.
Pour elle-même :
Pour le bébé :
Conséquence :
La grossesse est donc « à risques », comme le sont bien des grossesses actuellement, avec l’augmentation du diabète dans la population générale, par exemple. Il est indispensable d’intégrer un service hospitalier habitué à suivre des futures mères qui ont un lupus. Tous les mois, voire tous les quinze jours, différents paramètres simples doivent être examinés afin de relever tous les petits décrochages qui signaleraient une difficulté chez la maman ou chez le bébé :
Enfin, la prise de médicaments pendant la grossesse doit être discutée au cas par cas avec vos spécialistes. Certains (CellCept, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, anti-inflammatoires, etc.) doivent être interrompus. D’autres peuvent (souvent doivent !) être poursuivis (cortisone, Imuran, Plaquénil).
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Q : Mon gynécologue m’a conseillé d’arrêter le Plaquénil avant d’être enceinte. Que dois-je faire ?
R : Le lupus est une maladie rare et complexe. Il est donc possible que votre gynécologue ne soit pas au courant des recommandations en cas de grossesse chez une femme atteinte de lupus. Tous les spécialistes du lupus sont unanimes : il ne faut pas arrêter le Plaquénil ou la cortisone en cas de grossesse.
Q : Pour les hommes, certains médicaments sont-ils à éviter si on souhaite avoir un enfant ?
R : Le Ledertrexate est contrindiqué, parce qu’il pourrait interférer avec la formation des spermatozoïdes. Il faut l’interrompre quelques semaines/mois avant.
Q : Vais-je transmettre le lupus à mon enfant ?
R : Deux personnes atteintes de lupus au sein d’une même famille, cela n’arrive que dans 2% des cas. On ne peut donc pas parler de transmission. Le lupus est une maladie polygénique, qui concerne donc plusieurs gènes .
Il est parfois bien difficile de savoir si on souffre d’une poussée de lupus ou des manifestations classiques de la grossesse : fatigue, érythème, chute de cheveux, essoufflement… Tous ces symptômes peuvent être attribués à tort au lupus. Par contre, il peut arriver que le lupus se déclenche durant la grossesse et que les premiers symptômes restent inaperçus parce qu’ils sont pris pour des signes liés à la grossesse.
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« Mais tu ne te rends pas compte, je dois faire le deuil d’une grossesse normale ! »
Je ne sais pas ce qui me choque le plus à ce moment-là. Cette phrase de mon compagnon qui lui venait droit du cœur après la conférence « Lupus et Grossesse » donnée par le Professeur Houssiau ou la conférence en elle-même…
Cette conférence, nous l’avions suivie il y a trois ans. Nous y avions appris tous les risques, toutes les mises en garde, tout le parcours d’une patiente lupique pour avoir un enfant. J’y avais compris que j’étais porteuse des trois anticorps susceptibles de donner des complications.
Le coup fut rude et malgré ma déception, je comprenais la colère et la frustration de l’homme qui partageait ma vie.
Plusieurs mois et années se sont passés, notre amour a grandi et avec lui notre envie de mettre en route un bébé. Un petit nous deux…
La pilule avait eu le temps de descendre et d’être digérée. On était prêt à affronter l’aventure : oui, ce loupiot, on allait le faire à deux, et même à quatre avec rhumato et gynéco !
Comme un plan de bataille, nous avons planifié notre stratégie : être bien suivie avant, pendant et après, accepter les contraintes des examens à répétition, les risques et les critiques :
« N’est-ce pas un peu égoïste de vouloir un enfant qui risque un pacemaker, de ne pas avoir une maman pleine et entière ? Es-tu sûre que tu ne vas pas transmettre ton lupus ? »
Je suis sûre de ne pas lui donner ma maladie mais je ne suis pas sûre que l’enfant n’ait pas un lupus dû à la malchance de la loterie.
Première étape, préparer et tâter le terrain : notre rendez-vous avec le Professeur Houssiau est pris six mois à l’avance. Il me propose une prise de sang, me pose les questions adéquates pour établir mon anamnèse et … nous donne son « feu vert » ! En plus, je peux être suivie dans l’hôpital de ma région, pas besoin de courir à Bruxelles pour le moment…
La seconde étape est de trouver la gynéco qui accepte mon « cas ».
« Etes-vous d’accord (et sous-entendu capable et assez informée) pour suivre une grossesse de ce type ? »
La chance nous sourit trois semaines plus tard. Mon test de grossesse est +++. Ca y est, j’attends notre bébé ! Je me prépare à vivre neuf mois avec mon agenda et mes vignettes de mutuelle.
Mon père me dit la phrase la plus magique qui soit : « Une femme qui tombe enceinte est une femme en bonne santé ! »
Au premier trimestre, il faudra être vigilante au CMV, à la toxo, à bien prendre l’anticoagulant pour éviter les fausses couches…
Les spécialistes ne sont pas toujours d’accord entre eux. J’ai un faux positif pour le CMV, le rhumato tire la sonnette d’alarme, la gynéco me rassure.
J’ai eu une thrombose superficielle il y a huit ans, la gynéco veut me mettre sous Clexane (Héparine) toute la grossesse (sept mois de piqûres), le rhumato n’en voit pas l’intérêt. L’affaire part chez le Professeur Houssiau, du même avis que son confrère rhumato, la gynéco m’envoie chez une spécialiste en hématologie à l’UCL. Verdict : pas de Clexane ! OUF !
Deux mois d’interrogation.
« Au second trimestre, vous aurez des échos pathos toutes les deux semaines pour vérifier le cœur du bébé (le bloc de branches) et votre placenta. »
Echos pathos, agréable comme expression !
J’alterne les prises de sang de routine pour la gynéco, les prises de sang de routine pour le rhumato, les échos de routine pour la gynéco, les échos pathos de routine pour le rhumato, les analyses d’urine pour la gynéco, les analyses d’urine à l’hibidil pour le rhumato. Les infos qui se perdent, les examens à recommencer pour être sûr…
Mes semaines sont rythmées par ces rendez-vous. Chaque bon point est une victoire, ma choupette grandit et tout se passe bien. Pour mon confort moral, mes échos pathos se transforment en échos cadeaux : j’ai plein de photos de ma pupuce.
Au troisième trimestre, il faut faire attention à la pré-éclampsie, à ne pas prendre trop de poids, aux jambes lourdes, à faire (cette fois, je n’y échappe pas dans les dernières semaines) les piqûres de Clexane, par prévention…
Pour bien vivre tout ça, je prends du recul, je me détache des craintes des médecins et je décide de vivre cette expérience comme une femme enceinte « normale » avec les petits maux (nausées, rhume à répétition, mauvaises nuits, essoufflement,… que du bonheur !).
Je vis une grossesse de rêve, surveillée comme le tableau de la Joconde, je me sens en sécurité.
Trop parfois. Pour éviter d’étouffer, je marche beaucoup, je me réjouis de chaque jour qui passe et je profite des premiers « POUM POUM » dans mon ventre. Bébé a le hoquet, bébé gigote, bébé danse, bébé se blottit dans les mains de papa…
La fatigue ? Quand on est lupique, on connaît cette sensation d’épuisement intense et si on veut faire quelque chose de sa journée, on se doit de passer « au-dessus », de faire avec. Alors la fatigue, on la gère, on la connaît, on est des pros.
Le boulot ? On continue et jusqu’au bout !
L’accouchement ? On balise comme toutes les femmes ! On essaye de s’y préparer, mais on n’est jamais réellement prête même après les six séances d’aquagym prénatale… Pour ma part, mon bassin étant trop petit et ma poupette étant bien dodue, une césarienne est prévue.
Mon lupus ? Je savais qu’il me laisserait tranquille et laisserait ma fille aussi. Il est devenu un vieil ami. Plus sérieusement, je suis reconnaissante d’avoir eu autant de chance.
Mon petit Pioupiou d’amour ? Elle est née ce 22 octobre à 10h12. On est venue la cueillir ou l’accueillir dans mon ventre à terme. 3 kg 006g d’amour en peau à peau avec papa puis maman.
La suite ? Rendez-vous rhumato, rendez-vous gynéco. Tout est sous contrôle…
Mon conseil ? Etre bien entourée par son compagnon, être bien préparée avec ses médecins. Et arriver à se détacher de tous ces examens, de ce parcours du combattant en prenant les rendez-vous, les examens, les nouvelles, les peurs, au jour le jour. Accepter d’être mise sous globe pendant neuf mois.
Et si c’était à refaire ??? Sans hésiter ! J’ai profité de chaque instant et j’ai réussi... Nous avons réussi, nous sommes trois.
Merci à ma magnifique Zoé et mon formidable mari qui m’ont bien aidée !