Association Lupus Erythémateux

Lupus et grossesse

Professeur Houssiau« Est-ce raisonnable d’être enceinte ? » Il y a encore 20 ans, quand une patiente posait cette question à son gynécologue, elle ressortait souvent catastrophée de la consultation. Actuellement, les connaissances ont progressé et même si les futures mamans qui ont un lupus doivent bénéficier d’une surveillance attentive, dans la majorité des cas, tout se passe bien. Voici un résumé de la conférence du Professeur Frédéric Houssiau, rhumatologue aux Cliniques Universitaires Saint-Luc, qui intervenait dans le cadre de la 5me journée des affections rhumatismales inflammatoires.

Lorsqu’une femme lupique est enceinte, cette situation comporte des risques pour elle-même et pour son bébé.

Pour elle-même :

  • Dans 20% des cas, la grossesse entraine une poussée de la maladie. Le lupus est en effet influencé par les hormones féminines et on sait que la grossesse entraine de profondes modifications hormonales : la poussée de lupus observée parfois chez la femme enceinte, est vraisemblablement provoquée par l’augmentation de deux hormones : les œstrogènes et la prolactine. La poussée peut également avoir lieu après l’accouchement.
    Il y a plus de risques de faire une poussée si la maladie est déjà active au début de la grossesse et si la femme arrête ses médicaments. D’où un premier conseil important : Ne jamais arrêter ni cortisone ni Plaquénil si on veut être enceinte. Ces deux médicaments sont sans danger pour le fœtus.
  • Dans plus de 20% des cas, la future maman peut faire une pré-éclampsie . C’est surtout le cas si le lupus était actif avant la conception, si la maman a des antécédents d’atteinte rénale et si un syndrome antiphospholipidique est associé au lupus. Cette pré-éclampsie peut arriver de manière plus précoce que chez une femme qui n’a pas de lupus et peut amener à devoir provoquer l’accouchement prématurément.
  • Les césariennes sont plus fréquentes chez les femmes atteintes de lupus : 30% des accouchements se font par césarienne. C’est dû au fait qu’il est plus souvent nécessaire de provoquer un accouchement en urgence.
  • Il arrive souvent que les personnes qui ont un lupus prennent de l’aspirine. Or, la péridurale est interdite si la femme a pris de l’aspirine la semaine précédant l’accouchement. Il vaut donc mieux s’abstenir de prendre de l’aspirine à partir de la 35ème semaine de grossesse.
    La grossesse est donc considérée comme à risque : la femme doit consulter (interniste/rhumatologue + gynécologue/obstétricien) tous les mois, voire tous les quinze jours. On en reparlera plus loin.

Pour le bébé :

  • Les « fausses couches tardives » (entre 8 à 12 semaines) sont plus fréquentes (15%).
  • On observe souvent un retard de croissance et une prématurité (on parle de prématurité en deçà de 35 semaines).
  • Les décès intra-utérins aux 2me et 3me trimestres sont heureusement très rares.
    Ces difficultés surviennent à cause d’une placentation anormale. La placentation, c’est le fait que les artères (nécessaires aux échanges bébé-maman) envahissent le placenta. En cas d’hypertension, en cas de diabète, mais également dans certains cas lors du lupus, les vaisseaux n’irriguent pas bien le placenta et les échanges ne se font pas bien. Ces cas sont plus fréquents si la maladie maternelle est active, en cas de syndrome antiphospholipidique, en cas d’atteinte rénale, d’hypertension et de tabagisme. Il est évident que quand la maman ne va pas bien, le bébé ne va pas bien non plus.
    Dans certains cas très rares, le bébé est atteint de lupus néonatal. Pour cela, il faut que la maman possède des anticorps-Ro (ou anti-SSA), ce qui est le cas dans 25 % des cas, mais il faut aussi que ces anticorps passent la barrière placentaire, ce qui n’arrive que chez 1 à 2% des mères dont le sang contient ces anticorps. Les anticorps anti-Ro ne sont pas toxiques pour la maman, mais peuvent l’être pour le bébé qui peut naître alors avec des lésions cutanées semblables au lupus, généralement rapidement résolutives. On peut observer aussi un problème cardiaque (un bloc cardiaque congénital), c’est-à-dire que le cœur du bébé, au lieu de battre à 120 pulsations/minute, bat à 50 ou 60 /minute. Cette malformation est irréversible et nécessite souvent le placement d’un pacemaker à l’enfant.

Conséquence :

La grossesse est donc « à risques », comme le sont bien des grossesses actuellement, avec l’augmentation du diabète dans la population générale, par exemple. Il est indispensable d’intégrer un service hospitalier habitué à suivre des futures mères qui ont un lupus. Tous les mois, voire tous les quinze jours, différents paramètres simples doivent être examinés afin de relever tous les petits décrochages qui signaleraient une difficulté chez la maman ou chez le bébé :

  • le poids de la maman (prendre 20 kg en 9 mois, c’est normal, prendre 10 kg en quinze jours, non),
  • sa pression artérielle,
  • le fait qu’elle ait des œdèmes,
  • la fonction rénale (avec des analyses d’urines),
  • l’hémogramme (globules sanguins, plaquettes…)
  • des tests hépatiques,
  • des tests spécifiques au lupus.
    Il faut également faire des échographies répétées (tous les mois, voire tous les quinze jours) pour vérifier la taille du bébé et la taille des artères du placenta et de l’utérus.

Enfin, la prise de médicaments pendant la grossesse doit être discutée au cas par cas avec vos spécialistes. Certains (CellCept, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, anti-inflammatoires, etc.) doivent être interrompus. D’autres peuvent (souvent doivent !) être poursuivis (cortisone, Imuran, Plaquénil).

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En conclusion :

  • La grossesse chez une personne qui a un lupus n’est pas sans difficulté, mais elle est souvent possible.
  • Dans un cas sur 20, la grossesse doit malheureusement être déconseillée car le risque est beaucoup trop important.
  • Il est préférable de « programmer la grossesse », c’est-à-dire de vérifier, avant d’être enceinte que la maladie n’est pas active. Il est parfois préférable de différer la conception.
  • Il est indispensable de consulter une équipe pluridisciplinaire qui a l’habitude de suivre des femmes enceintes atteintes de lupus. La surveillance des futures mamans est indispensable.
  • La plus grave erreur, en cas de grossesse, est d’arrêter les traitements du lupus. La cortisone et le Plaquénil ne passent pas la barrière placentaire et sont donc sans danger pour le fœtus.
  • En cas de poussée de lupus, il faut traiter le lupus rapidement et efficacement.

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Questions/réponses :

Q : Mon gynécologue m’a conseillé d’arrêter le Plaquénil avant d’être enceinte. Que dois-je faire ?
R : Le lupus est une maladie rare et complexe. Il est donc possible que votre gynécologue ne soit pas au courant des recommandations en cas de grossesse chez une femme atteinte de lupus. Tous les spécialistes du lupus sont unanimes : il ne faut pas arrêter le Plaquénil ou la cortisone en cas de grossesse.
Q : Pour les hommes, certains médicaments sont-ils à éviter si on souhaite avoir un enfant ?
R : Le Ledertrexate est contrindiqué, parce qu’il pourrait interférer avec la formation des spermatozoïdes. Il faut l’interrompre quelques semaines/mois avant.
Q : Vais-je transmettre le lupus à mon enfant ?
R : Deux personnes atteintes de lupus au sein d’une même famille, cela n’arrive que dans 2% des cas. On ne peut donc pas parler de transmission. Le lupus est une maladie polygénique, qui concerne donc plusieurs gènes .

Il est parfois bien difficile de savoir si on souffre d’une poussée de lupus ou des manifestations classiques de la grossesse : fatigue, érythème, chute de cheveux, essoufflement… Tous ces symptômes peuvent être attribués à tort au lupus. Par contre, il peut arriver que le lupus se déclenche durant la grossesse et que les premiers symptômes restent inaperçus parce qu’ils sont pris pour des signes liés à la grossesse.
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mila, née en 2006

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