Association Lupus Erythémateux

Rencontre avec une spécialiste de la grossesse chez les femmes atteintes de lupus

Une bonne communication entre le spécialiste du lupus et l’obstétricien est nécessaire pour éviter les conseils contradictoires

Durant le congrès européen du lupus, qui s’est tenu du 23 au 26 avril 2014 à Athènes, nous avons eu la chance de pouvoir interviewer une des oratrices, Monika Ostensen, consultante pour le Centre « Grossesse et maladies rhumatismales » à l’Hôpital universitaire de Trondheim (Norvège) et consultante pour l’Unité des grossesses à haut risque, département de Rhumatologie à l’Hôpital de Sörlandet à Kristiansand (Norvège).

BVL : D’après vous, quelle est la principale nouveauté pour les personnes atteintes de lupus ?

M.O. : Le plus important, c’est que les médecins ont maintenant développé des traitements standards pour soigner le lupus. De nouveaux médicaments sont en préparation et des stratégies ont été développées pour pouvoir soigner les patients encore plus efficacement.

BVL : Que faut-il dire en priorité aux jeunes femmes qui souhaitent être enceintes ?

M.O . : Elles doivent être bien conscientes que la grossesse doit être planifiée à l’avance. Le lupus devrait être en rémission ou en faible activité stabilisée avant d’être enceinte. Il est en effet préférable de planifier la grossesse quand le lupus est inactif et d’être sûre que les médicaments pris sont autorisés durant la grossesse.
Parfois, quand la patiente a moins de 18 ans, atteint la quarantaine ou si elle est invalide, les docteurs ne pensent pas à parler des questions liées à la grossesse. Et donc, si le médecin ne parle pas spontanément avec ses patientes des précautions à prendre en matière de planning familal, les patientes elles-mêmes devraient interroger le médecin. Par exemple, si elles prennent du MMF (le Cellcept®) ou de la Cyclophosphamide, il faut qu’elles parlent contraception avec le spécialiste, même si elles n’ont pas l’intention d’être enceintes dans les mois qui suivent. Les choses peuvent changer rapidement !

B.V.L. : Vous parlez de « spécialiste ». Vaut-il mieux interroger l’interniste/rhumatologue qui suit le lupus, le gynécologue ou la sage-femme ?

M.O. : Il vaut mieux ne pas interroger des médecins ou des professionnels de la santé qui n’ont pas l’expérience des questions concernant la grossesse chez les patientes lupiques ! Les gynécologues et les sages-femmes ont des connaissances approfondies par rapport à la grossesse et l’accouchement, mais ils ne sont pas des experts en matière de lupus et des traitements du lupus. C’est pourquoi, si un gynécologue dit par exemple à une femme d’arrêter le Plaquenil®, il est préférable de demander l’avis du spécialiste qui soigne le lupus, avant d’arrêter le traitement. En effet, il ne faudrait jamais arrêter le Plaquenil® avant ou durant la grossesse, parce que le Plaquenil® prévient les rechutes et a de nombreux effets bénéfiques. Une bonne communication entre le spécialiste du lupus et l’obstétricien est donc nécessaire pour éviter des conseils contradictoires.

B.V.L. : Il n’empêche, la plupart, du temps, les femmes enceintes se posent beaucoup de questions sur les médicaments. Si elles nouent une relation de confiance avec leur gynécologue et que celui-ci leur dit d’arrêter les médicaments, elles seront tentées de les arrêter… Et si en plus, toutes leurs amies leur disent d’arrêter, c’est difficile de continuer à les prendre !

M.O. : Comme je l’ai dit, une patiente doit s’appuyer sur les conseils de ceux qui connaissent réellement le lupus, parce que les personnes qui ne le connaissent pas, n’ont aucune preuve de ce qu’ils avancent. Les patientes doivent savoir qu’elles font courir un plus grand risque à leur bébé en ayant une poussée de lupus ou un lupus actif qu’en prenant des médicaments. Il est prouvé qu’arrêter le Plaquenil® augmente le risque de faire une rechute, or les rechutes sont dangereuses, et pour les mamans et pour les fœtus. Il est donc nécessaire de continuer les antimalariques (Plaquenil®) ou l’azathioprine, par exemple. En ce qui concerne les corticostéroïdes, ils sont nécessaires pour des poussées aigües, en particulier en cas de grossesse. Ce n’est pas évident de soigner un lupus sans en prescrire. En dessous de 10mg par jour, les corticostéroÏdes ne sont pas un problème pour l’enfant. Mais, oui, parfois, les femmes sont si effrayées de faire mal à leur bébé qu’elles arrêtent tous les médicaments avant ou durant la grossesse. Cependant, cela peut conduire à une poussée et cela augmente fortement le risque d’issues défavorables pour la grossesse, comme des fausses-couches, des décès in utero ou des accouchements prématurés.

B.V.L. : Quels sont les risques réels d’une grossesse chez les patientes lupiques ?

M.O. : En fait, 25% des grossesses se déroulent tout à fait normalement. 50% ont quelques symptômes, légers ou modérés, souvent faciles à traiter. 25% ont des poussées sévères dans des organes internes, poussées qui peuvent nécessiter des traitements avec plusieurs médicaments combinés.

B.V.L. : Qu’en est-il des biologiques durant la grossesse ?

M.O. : La règle générale, c’est que les nouveaux médicaments (c’est le cas de la plupart des biologiques) ne sont pas recommandés durant la grossesse. Du coup, nous avons seulement des données provenant d’études animales. Certains biologiques (le Belimumab, par exemple) n’ont pas d’effets secondaires sérieux sur les fœtus d’animaux, mais nous ne pouvons pas en déduire qu’ils seront sans danger pour les femmes enceintes. Il semble que les effets secondaires des médicaments sont moins courants dans les premiers mois de la grossesse que dans les trois derniers mois (parce que les échanges entre mère et enfant sont moindres en début de grossesse), mais en fait, pour le moment, nous n’avons pas de données suffisantes.

B.V.L. : S’il n’y aura jamais d’études sur les mères enceintes, cela signifie-t-il que les biologiques ne pourront jamais être prescrits aux femmes enceintes ?

M.O. : Nous aurons de toutes façons des données concernant les biologiques et la grossesse, à cause des grossesses non planifiées. En fait, même si on dit à une femme de ne pas tomber enceinte durant le traitement, cela ne signifie pas qu’aucune femme ne va tomber enceinte : soit en dépit du risque, soit par « accident », certaines femmes vont être enceintes durant un traitement par biologique et mener la grossesse à terme. Cela veut dire que dans quelques années, nous aurons des données concernant les biologiques et la grossesse.

B.V.L. : Un mot de conclusion ?

Une grossesse chez une patiente lupique reste une grossesse à haut risque qui nécessite des soins particuliers. Bien sûr, si vous avez seulement un lupus cutané ou un lupus inactif, vous avez bien moins de risques que si vous avez un lupus systémique qui est actif. Mais, dans tous les cas, vous devez être soigneusement suivie par votre docteur pour pouvoir réagir dès que possible, si quelque chose se passe durant la grossesse. La chose principale est de planifier la grossesse et d’avoir une bonne communication avec le docteur qui traite la maladie durant la grossesse.

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