Association Lupus Erythémateux

Quand rémission rime avec dépression

L’annonce de la maladie entraine un processus de deuil chez la majorité des patients qui apprennent qu’ils sont atteints d’un lupus. Ce phénomène est bien connu. Moins connu est le phénomène inverse du deuil de la maladie. Les médicaments permettent au malade d’être physiquement en rémission et pourtant, le moral ne suit pas. Que se passe-t-il ?

A l’annonce d’un diagnostic de lupus, surtout s’il s’agit d’un lupus systémique, le patient passe par divers états d’esprit : choc, révolte, déni, tristesse… Ces émotions sont amplifiées par la recherche « sauvage » d’informations sur Internet, par les commentaires de proches qui signalent que dans leurs ascendants, des personnes sont décédées de cette maladie, voire même par l’attitude de soignants, peu au courant de la maladie et des progrès de la médecine. Plus les hospitalisations sont longues et fréquentes, plus grand est le délai avant de trouver un traitement efficace, plus lourd est le vécu des malades. En général, heureusement, la plupart des patients peuvent à ce moment compter sur le soutien de leurs proches, familles, amis, milieu de travail.

Après la crise vient souvent alors une période de rémission. Spectaculaire parfois, bien plus lente de temps en temps. Si pour certains, cette période est vécue dans la joie de la santé retrouvée, il n’est pas rare de voir s’installer chez d’autres une grande lassitude, voire un phénomène dépressif. Ce qui provoque l’incompréhension de l’entourage qui rêve maintenant d’un retour à « la vie d’avant ». Puisque le malade est « en rémission », c’est que la page est tournée. On peut arrêter d’en parler. Le patient aussi ne comprend pas ce qui lui arrive : Il est en rémission, les médecins se réjouissent, alors pourquoi va-t-il si mal ?

Oui, c’est assez paradoxal et néanmoins assez fréquent. Et ce, principalement pour trois raisons :

Le sevrage médicamenteux

Tout d’abord, bien souvent, le traitement du lupus passe par l’ingestion de méthylprednisolone qui a un effet anxiolytique (qui diminue l’angoisse) et antidépressif. Les effets secondaires de ce traitement (ostéoporose notamment) nécessitent de n’utiliser ce médicament que le minimum de temps nécessaire. Après une période de traitement à fortes doses vient le moment du sevrage qui entraine souvent une augmentation de la dépression et de l’anxiété, le temps que le corps se réhabitue à être privé de Médrol. Le simple fait du sevrage peut donc parfois expliquer l’état dépressif qui survient lors de la rémission.

Le traumatisme de la maladie

Une autre explication tient au choc que la personne a subi à cause de sa maladie. Celle-ci représente un traumatisme, comme le serait une agression. Soudaineté de la crise (la plupart du temps, le début est brutal dans le lupus), absence d’explication rationnelle, sentiment d’injustice, douleur, panique, intrusion corporelle (piqûre, biopsie, perfusions…), menace pour son intégrité physique, impuissance… Le patient vit donc un réel traumatisme et lorsque la maladie s’estompe, il n’en reste pas moins que cette expérience traumatique reste gravée en lui. On peut parler de stress post-traumatique. Inlassablement, et parfois des années plus tard, il se remémore encore et encore le film de son hospitalisation, les paroles qu’a prononcées le médecin, il se rappelle précisément les dates de ses hospitalisations ou les chiffres exacts des résultats de ses analyses biologiques… S’il lui arrive de revivre des symptômes semblables à ceux qui ont marqué le début de sa maladie, sa réaction peut être totalement disproportionnée par rapport à la réalité des symptômes : Inquiétude excessive, mise en émoi de son entourage par rapport au symptôme… A l’inverse, il peut également refuser de se rendre encore en clinique ou de faire une prise de sang… Enfin, le syndrome de stress post traumatique peut entraîner des insomnies, de l’irritabilité, des difficultés de concentration et finalement, un dysfonctionnement au niveau social, professionnel ou familial.

Le deuil du statut de malade

Pour compliquer le tout, le diagnostic de lupus est parfois posé au bout de plusieurs mois ou années de maladie. Des mois ou des années où le malade s’est vu limité dans ses activités, où il a peut-être dû arrêter de travailler, ou parfois son couple n’a pas résisté à la maladie… Cette dernière a, dès lors, occupé toute la place dans sa vie l’empêchant de faire des projets, de s’engager et lui donnant une identité de « malade », voire de « handicapé ».

La rémission entraîne alors une totale remise en question. Il faut réapprendre à vivre, chercher ce qu’on veut réaliser, qui on veut aimer, ce qu’on veut choisir… Après des années où « l’on n’avait pas le choix », où l’on a vécu « sous assistance », il faut tout à coup sortir du statut de « victime impuissante de la maladie » et devenir tout à coup, responsable de son destin. Or, certaines personnes plus fragiles au départ, ou plus blessées par la vie, ne parviennent que difficilement à se prendre réellement en mains et à s’inventer un nouvel avenir. Car il est souvent illusoire de croire que la vie sera exactement « comme avant ».

Sevrage médicamenteux, stress post-traumatique, perte du statut de « patient », peuvent donc expliquer pourquoi, devant la rémission, certains perdent pieds et ne parviennent que lentement à émerger, précisément à un moment où l’entourage aspire à souffler ! Il vaut dès lors souvent mieux passer par un soutien extérieur, aide professionnelle, groupe de patients, ou aide médicamenteuse. Sans oublier toutes ces aides naturelles que sont le sport, la lumière, un environnement social agréable, une nourriture équilibrée, le contact avec le « beau », la musique, la nature, la poésie…

Conclusion

Oui, entrer en rémission n’apporte pas toujours ou pas immédiatement le paradis ! Cela implique un courage de tous les instants pour reconstruire ce qui a été détruit par la maladie. Une renconstruction qui ne se fera jamais à l’identique, mais qui peut être vraiment l’occasion de se poser des questions existentielles, de mûrir et au total, de vivre une vie où chaque minute compte parce qu’on sait qu’elle est précieuse.

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