Le lupus, un nom unique pour des réalités très différentes

 

« La présentation objective de données médicales récentes permet souvent d’atténuer la connotation péjorative qui reste attachée au lupus dans la population générale, via la lecture d’informations ou de données alarmistes et non contrôlées disponibles sur le Web ».

Cette phrase de Professeur Piette montre toute l’importance du texte ci-dessous, qui est inspiré de la conférence qu’a donnée le Docteur Christian von Frenckell, le 16 octobre dernier à Liège.

 

Définition 

Si on essaye d’avoir une définition du mot « lupus », on tombera au mieux sur la définition suivante : « Le lupus érythémateux disséminé (LED) est une maladie systémique auto-immune chronique, de la famille des connectivites, c'est-à-dire touchant plusieurs organes, du tissu conjonctif, qui se manifeste différemment selon les individus ». Le moins qu’on puisse dire est que cette définition est imprécise et rend compte de toute la difficulté de définir une maladie aux très nombreux visages.

 

Histoire

 Le mot « lupus », qui signifie loup en latin, est apparu au début du XIXme siècle. Ce nom vient très certainement du masque vénitien également appelé masque de loup. C’est vers la fin du XIXème  siècle que sont apparues les premières descriptions détaillées des atteintes cutanées du lupus et on le doit aux dermatologues.  C’est dans un second temps que furent associées les atteintes d’organes (vers 1900).

En 1950 se produisit deux révolutions : on découvre que le lupus est une maladie auto-immune (due à un dysfonctionnement du système immunitaire) et on découvre la cortisone. Celle-ci révolutionna la prise en charge du lupus. Même si, hélas, on se rendit compte bien vite de ses limites à cause des effets secondaires parfois sévères (surtout aux doses très importantes qu’on donnait à l’époque).

 

Manifestations du lupus

La présentation clinique d’un lupus à l’autre varie énormément. La plupart des présentations sont considérées comme bénignes c’est-à-dire qu’elles ne touchent pas un organe important ou vital. Cela ne signifie pas, qu’elles ne représentent pas un handicap esthétique ou fonctionnel (par exemple) mais qu’il est nécessaire de bien les différencier des atteintes plus graves qui sont, elles, beaucoup plus rares.

 

Le lupus cutané 

L’organe que représente la peau représente le plus grand champ d’expression de la maladie lupique. Ce n’est pas étonnant quand on sait que c’est le plus grand organe du corps humain et surtout qu’il peut être examiné très aisément.

On rencontrera soit des atteintes spécifiques de cette maladie soit des reflets d’un problème autre (circulatoire, rénal, …) qui lui peut être présent également dans d’autres maladies. Elles sont très nombreuses et montrent déjà la grande variabilité des lupus. Ceux que l’on rencontre le plus fréquemment sont le lupus discoïde et le lupus aigu ou subaigu.

1.      Le lupus cutané discoïde

Le lupus cutané discoïde localisé se présente sous forme de lésions un peu rouges, en relief, peu ou pas douloureuses, localisées surtout dans la partie supérieure du corps. Elles laisseront une cicatrice cutanée avec un amincissement de la peau et parfois une perte des poils ou des cheveux de la zone enflammée. La cicatrice peut parfois avoir une modification de couleur (plus ou moins pigmentée) Les cicatrices du chanteur Seal sont dues au lupus dont il a souffert durant son enfance.

·         Dans de rares cas, il peut toucher le reste du corps (on parlera d’atteinte discoïde disséminée)

·         La muqueuse buccale peut également être touchée et engendrer des douleurs. Il n’est pas toujours facile de le différencier d’un aphte.

·         Le lupus cutané discoïde  tumidus est caractérisé par des lésions rouges/mauves en relief, peu douloureuses, parfois accompagnées de croûtes.

·         Le lupus cutané discoïde lupio est caractérisé par de multiples petites lésions confluentes, de couleur  rouge/mauve, qui peuvent être très douloureuses. Il se rencontre surtout sur les mains.

 

2.      Le lupus cutané aigu ou subaigu

Le lupus cutané aigu survient souvent après une exposition au soleil. Il est très sensible au ultraviolet et se verra donc surtout dans les zones de la peau exposées au soleil. Il peut disparaître sans laisser de trace mais si les poussées sont fréquentes, il peut laisser des taches de dépigmentation sans amincissement de la peau. Il n’abîme pas les poils ou les cheveux.

Lorsqu’il touche le visage au niveau des pommettes et de la racine du nez, cela ressemble à un masque vénitien et il se nomme alors érythème (rougeur) malaire (os malaire = os des pommettes).

 

3.      Autres formes de lupus cutané

·         Le lupus cutané néonatal : de manière tout à fait exceptionnelle. Le nouveau-né de certaines mamans qui ont un lupus (avec des auto-anticorps tout à fait spécifiques peut présenter une atteinte cutanée (comme dans le lupus subaigu). Il disparait au bout de quelques mois, en laissant rarement des cicatrices. On le répète, c’est rarissime.

·         Le lupus cutané induit est rare et souvent réversible. Il survient après la prise de certains médicaments (dont certains très courants) chez certaines personnes prédisposées.

·         Le lupus engelure (lupus pernio: ressembre à des engelures (lésions des doigts de mains ou de pieds après une exposition au froid) et est parfois très douloureux. C’est surtout présent chez les patientes qui fument et qui souffrent d’un syndrome de Raynaud (voir plus loin).

·         Le lupus profundis : en fait il ne touche pas la peau mais le tissu juste en dessous. Cela peut être sensible voir douloureux.

·         Il existe enfin d’autres formes de lupus, bien plus rares que nous ne détaillerons pas.

 

En conclusion, il est important de savoir que la majorité des lupus sont purement cutanés et resteront cutanés. Ils ne représentent aucun danger vital et sont la plupart du temps suivis uniquement par des dermatologues. Ils peuvent néanmoins être invalidants à cause de leur aspect disgracieux et peuvent constituer un signal d’alerte d’un problème plus global qu’on appellera Lupus érythémateux systémique ou disséminé (LES ou LED).

 

Les manifestations du lupus dans la prise de sang.  

Il est très important de rappeler que le diagnostic d’un lupus ne se fait pas uniquement avec une prise de sang. Même si la toute grande majorité des lupus érythémateux systémiques (ceux-qui toucheront plusieurs organes) ont des auto-anticorps ; dirigés contre le noyau des cellules (anti-nucléaires : anti-ADN, anti-SSA/SSB, anti-Sm …), leur présence seule ne permet en aucun cas d’affirmer qu’on souffre de cette maladie. Autrement dit, on retrouve des auto-anticorps chez quelques pourcents de la population générale qui ne souffre pas de lupus. Ces personnes peuvent donc être diagnostiquées à tort comme ayant un lupus.

 

Le lupus érythémateux systémique (LES)

Le dictionnaire nous indique qu’il s’agit d’un syndrome clinique de cause inconnue, caractérisée par une atteinte systémique et par une évolution par poussées, parfois très espacées, atteignant un ou plusieurs « appareils » (au sens de système — nerveux, respiratoire…), entrecoupées de rémissions.

Concrètement, la peau, les articulations, les séreuses (enveloppe qui entoure un organe, notamment le poumon ou le cœur), les cellules du sang, le système nerveux, le rein, les artères, les veines etc peuvent être concernés.

Très heureusement, un patient souffrant de lupus ne présentera pas toutes ces différentes manifestations. Certaines sont plus fréquentes que d’autres et sont parfois espacées dans le temps. Cela explique qu’il faille parfois plusieurs années avant de pouvoir affirmer avec certitude que la personne a bien un lupus.

 

1.      La peau

La peau est atteinte dans 90% des cas (voir plus haut). Cette atteinte peut être spécifique au lupus ou non.

2.      Les articulations

Le patient présente souvent (90% des cas) des arthralgies (douleur aux articulations) sans gonflements (les vrais gonflements existent mais sont plus rares). Les articulations restent intactes sauf de très rares exceptions.

3.      Signes généraux

Le patient présente fréquemment de la fièvre (70% des cas), de la fatigue, une hypertension artérielle, une sécheresse buccale et oculaire et un phénomène de Raynaud (au froid, le bout des articulations devient blanc puis bleu, puis rouge). C’est parfois désagréable et douloureux.

4.      Les séreuses

Dans 60% des cas, on observe une inflammation des séreuses, c’est-à-dire de l’enveloppe qui entoure certains organes. On parle de pleurésie si l’inflammation se produit au niveau de la  plèvre (l’enveloppe qui entoure les poumons) et on parle de péricardite si l’inflammation se produit au niveau du péricarde (l’enveloppe qui entoure le cœur). Cela se manifeste par des douleurs thoraciques intenses, des difficultés respiratoires secondaires à la douleur, de la toux. Cette atteinte est très douloureuse, mais ne représente pas un danger vital pour la personne. On peut également observer une péritonite, c’est-à-dire une inflammation du péritoine (qui entoure l’abdomen) qui va provoquer des douleurs abdominales (beaucoup plus rare).

5.      Les cellules du sang

Dans 60% des cas, on observe des troubles au niveau sanguin. Que ce soit de l’anémie (une baisse du nombre de globules rouges) qui se traduit par de la fatigue, une pâleur du visage ou des difficultés respiratoires), une baisse des globules blancs qui la plupart de temps de donne pas de risque accru d’infections, une diminution des plaquettes (risque de saignements) ou au contraire, une augmentation de la coagulation (risque de phlébite et thrombose artérielle).

6.      Le système nerveux 

Dans la moitié des cas, le système nerveux est atteint, mais il peut l’être de très nombreuses façons : céphalées (mal de tête), troubles de la sensibilité (fourmillements, diminution du toucher, troubles de la force, mais aussi plus rarement, atteintes psychiatriques (psychose, délire…) ou épilepsie.

7.      Les reins

L’atteinte au niveau des reins est l’une des atteintes la plus importante à connaître car elle peut dans les formes les plus graves amener à une perte totale du fonctionnement du rein alors que dans les formes les plus légères une petite modification des médicaments contre la tension pourra suffire. Elle peut passer totalement inaperçue dans un premier temps puisqu’elle est indolore. Un gonflement des pieds, une augmentation de la fréquence urinaire, une soudaine hypertension artérielle doivent y faire songer. En cas de lupus systémique, le test de la tigette urinaire est réalisé systématiquement à chaque contrôle : il permet de déceler la présence de sang ou de protéines dans les urines.

Il existe plus de cinq types différents d’atteinte rénale avec des pronostics et des traitements radicalement différents. En cas d’atteinte rénale, il est donc important de réaliser une biopsie au niveau des reins. Le néphrologue introduit sous contrôle échographique, une aiguille dans le dos de la patiente pour prélever quelques cellules du rein. Cet examen est relativement indolore, mais il nécessite de rester allongé durant plusieurs heures.

 

Comment s’y retrouver parmi tout cela ?

Il est important d’associer différents symptômes, anomalies de prise de sang et signes lors de l’examen clinique qui se sont parfois déclarés à des moments différents de la vie. Le diagnostic de lupus systémique repose donc sur un ensemble de signes. Une des difficultés dans cette maladie est que la plupart des atteintes du lupus ne sont pas spécifiques de la maladie. Certaines atteintes ressemblent à d’autres maladies et d’autres maladies ressemblent à un lupus. Les différences entre deux lupus systémiques sont parfois énormes.

Il faut donc associer plusieurs critères pour qu’on puisse parler de lupus systémique. L’encadré de la page suivante vous présente ces critères.

 

En conclusion

Il n’y a rien qui ressemble moins à un lupus qu’un autre lupus ! C’est phrase un peu provocatrice permet de se rappeler l’incroyable  hétérogénéité de cette maladie.

Dans la grande majorité du temps le lupus est purement cutané. Il n’est pas grave mais peu parfois s’accompagner de cicatrices invalidantes.

Dans certains cas, le lupus est dit systémique (il touche plusieurs organes). Dans ce cas, il se manifeste le plus souvent par des atteintes articulaires et cutanées sans gravité mais qui peuvent être invalidantes au quotidien.

Il existe enfin des cas où le lupus systémique se manifeste par des symptômes plus sévères : par exemple l’atteinte rénale qui peut également avoir des niveaux de gravités très différents.